MétaNote 20 - La voiture sans conducteur, la Chimère
La voiture sans conducteur est donc une chimère
"La symbolique de la chimère est vaste et son nom a été repris pour désigner, dans un sens étendu, toutes les créatures composites possédant les attributs de plusieurs animaux ainsi que les rêves ou les fantasmes et les utopies impossibles" (Wikipédia).
Bootstrapped
Le premier mécanisme s'appelle le bootstrapping. Par sa crédibilité, ses démonstrations, ses capacités dans les domaines de la cartographie, et plus récemment de la robotique, le cybercar de Google a mécaniquement enclenché plusieurs phénomènes de plus grandes ampleurs. (Comme le petit programme qui se lance à l'allumage de votre ordinateur pour lancer le système principal ) :
- le lancement officiel de nombreux programmes de robotisation de véhicule chez quasiment tous les constructeurs.
- la mise en situation de territoires pour pouvoir expérimenter le fonctionnement de véhicule sans intervention humaine. Ainsi plusieurs états américains ou des villes comme Stockholm autorisent (ou vont autoriser) la circulation de cybercar, et cherchent à attirer les projets dans ce domaine,
- des travaux exploratoires pour penser les lois réglementant les futures interactions homme/machine (lire cet article Jusqu'où les machines pourront décider à notre place ?)
Et si l'objectif de Google était déjà atteint ?
Mobilité Servicielle Robotisée
Robotiser l'indexation du monde physique
Google accède ainsi aux usages réels des objets roulants (ce qu'aucun constructeur n'est capable de faire à grande échelle aujourd'hui). Utilisant les millions de smartphone et de montres équipé de système Android, les flux sont appris, les trafics deviennent prédictifs. La stratégie "indexation du monde physique" se structure en 3 étapes :
- Connaissance du contexte, de l'environnement, des territoires : Google map, Street view, Google glass, drone, Android wear
- Connaissance des usages réels, des clients : Google trafic, Android Wear, Google glass et récemment Open Automotive Alliance pour placer un OS dans un maximum de véhicule.
- Mise en forme des besoins pour développer des robots : Google car, puis tous les véhicules robotisables.
Les cybercars pourront à leur tour produire de nouvelles données permettant de mettre à jour les connaissances sur les territoires et les usages. Une courbe d'apprentissage placera alors ces acteurs industriels dans une situation inédite. L'indexation du monde réel sera robotisée, les données seront à la fois rafraichies et consommées par les véhicules autonomes.
Et si Google développait les cybercars pour indexer le monde, la réserve de mobilité créée étant un co-produit ?
La carte "enrichie", données privées, données publiques ?
- utiliser ces données pour développer une économie servicielle marchande en imposant des contraintes sur le stockage des données et leur gestion,
- utiliser des infrastructures libres et ouvertes, permettant, par un fonctionnement horizontal, de corriger et d'éviter un enfermement dans des standards propriétaires,
- développer une gestion des données en tant que communs, permettant de penser les usages indépendamment de la notion de « propriété », et d'adapter les règles de droit pour servir au mieux les usages en protégeant les ressources mises en partage.
- gérer les données en utilisant le principe de "faisceaux de droits" proche des communs. Cette approche par une discrimination à la fois temporelle des droits (donnée chaude, droits d'usage à l'entreprise, donnée froide, exclusivité de l'usager) et spatiale (stockage dans la plateforme, stockage dans un espace contrôlé par l'individu) pourrait ouvrir la voie à un bundle of rights positif, c'est-à-dire à la fois protecteur pour l'individu et en même temps ne tuant pas d'entrée de jeu le modèle d'affaires des entreprises du web qui proposent des services (hors marketing) construits autour de la donnée (ex : trouver un vélib).
La carte riche à l'ère des cybercars pourra fonctionner différemment, avec des contrats de production de données impliquant et protégeant les citoyens ou bien en poursuivant les positions asymétriques actuelles.
Le point de bascule : il n'y a plus d'humain
Dans cette utopie, un point de bascule apparaît. Il s'agit du premier véhicule sans humain ro ulant à travers un territoire (habité par des humains). Ce "système de mobilité" impliquant un véhicule robot avec son énergie - des infrastructures et surtout des données est aujourd'hui une chimère.
Ce point de bascule va accélérer les mutations d'usage qui sont aujourd'hui naissants. Sans conducteur, mais avec uniquement des passagers, les liens historiques entre la marque automobile et le conducteur s'effondrent. Et le marketing avec. L'acheteur n'est pas celui qui conduit mais un opérateur de mobilités servicielles. Les spécifications du véhicule peuvent être radicalement changées, ouvrant des possibilités inédites en matière d'efficacité énergétique, de design, d'expériences de mobilité "intégrale".
Cette voie de mobilité "high tech" ne doit pas pour autant supprimer ou réduire les actions "traditionnelles" : investissements sur les transports collectifs, sur l'urbanisme, sur l'effacement des mobilités subies au quotidien, sur des organisations plus efficaces des ménages et des entreprises ...
Est-ce qu'un véhicule sans humain roulera sur un territoire ? Quel territoire ? Qui gèrera ce nouvel écosystème numérique ? Comment ré-interrogera-t-il les systèmes de mobilité existants ? Si cela arrive, qui accompagnera les acteurs historiques dans la plus grande mutation de leur histoire ?